Les usages de substances psychoactives
Les effets des substances et le risque de développer une addiction sont modulés par différents facteurs :
- des facteurs liés aux produits (substances utilisées, quantités absorbées, fréquence et durée des consommations…)
- des facteurs individuels (héritabilité génétique, histoire personnelle, facteurs psychologiques et familiaux, accidents de vie…)
- des facteurs environnementaux (contexte social, culturel…)
Tous les usagers d’une substance donnée n’en deviennent pas dépendants et il existe plusieurs façons de classer les types d’usages de substances.
Les profils de satisfaction recherchée
On peut distinguer trois grandes catégories de satisfactions recherchées à travers l’usage de substances psychoactives :
* plaisir, sensations intenses et inhabituelles : aspect hédonique
* entrée dans des cadres et des codes sociaux renforçant l’identité : aspect social
* soulagement de tensions et souffrances internes, notamment celles associées à des affects générés par la relation à autrui et la pensée : aspect thérapeutique
Les différentes substances psychoactives n’ont pas toutes les mêmes potentiels concernant ces trois aspects, comme le montre le schéma ci-dessous.
De l’usage simple à la dépendance, une palette de situations
Beaucoup d’experts parlent de trois niveaux d’usages : usage simple (maîtrisé, sans dépendance), l’usage nocif (ou abus : on identifie des conséquences dommageables de la consommation mais il n’y a pas de dépendance) et la dépendance qui se manifeste par la perte de contrôle du sujet sur ses consommations. Certains ajoutent une quatrième catégorie : l’usage à risques, entre l’usage simple et l’usage nocif.
L’usage simple
L’usage simple est une consommation ponctuelle ou régulière qui n’induit pas de dommage aux niveaux somatique, psychoaffectif et/ou social. L’usager n’est pas dépendant, il module sa consommation en fonction du contexte dans lequel il se trouve et surtout il peut arrêter de consommer s’il le désire. L’usage simple ne protège cependant pas des risques situationnels et des conséquences judiciaires : accidents de la route, du travail, contrôles routiers, impact des consommations durant la grossesse…
L’usage à risques
Il s’agit d’usages pouvant potentiellement provoquer des complications aux niveaux somatique, psychoaffectif et/ou social, sans que celles-ci soient encore apparues comme dans le cas de l’usage nocif.
L’abus ou usage nocif
Cet usage est caractérisé par une consommation induisant des dommages repérables aux niveaux somatique, psychoaffectif et/ou social. A ce stade, l’usager peut moduler sa consommation en fonction du contexte et arrêter de consommer s’il le désire, mais il peut aussi être en difficulté pour arrêter plusieurs jours de suite. Dans ce type d’usage, des problèmes ou des conséquences négatives s’expriment, comme par exemple :
- la survenue ou l’aggravation de problèmes personnels, psychologiques, somatiques ou sociaux, liés à l’effet des produits ou à la répétition de leur prise ;
- des difficultés, voire l’incapacité à remplir des obligations majeures au travail, pendant les études, dans la famille (absence, exclusions, difficultés relationnelles etc.)
- la répétition de l’utilisation d’une substance dans des situations où cela peut être physiquement dangereux (travail, conduite…)
- des problèmes judiciaires répétés liés à la consommation de substance
- l’utilisation de la substance malgré la prise de conscience des problèmes en lien avec la consommation
La dépendance
Elle est caractérisée par un besoin irrépressible de consommer, le craving. Elle s’installe plus ou moins progressivement et le consommateur ne se rend pas forcément compte, dans les premiers temps, de la perte de contrôle de ses consommations. La personne ne peut plus les moduler en fonction du contexte dans lequel elle se trouve. Le sentiment de perte de contrôle de soi et de tension interne s’accentue. Des symptômes de manque physique et psychique plus ou moins marqués apparaissent.
Les personnes ne sont pas égales devant le risque de dépendance tant au plan biologique que psychologique. Arrêter la consommation de produits ou la réduire s’avère plus ou moins complexe suivant le stade où en est la personne dans son usage. Le risque de reprise de la consommation est fréquent pour les personnes dépendantes : ces reconsommations sont souvent ressenties comme un échec. La sortie de la dépendance nécessite souvent plusieurs étapes d’accompagnement et de soins.
Une autre approche : la classification du DSM V en fonction des troubles occasionnés par l’usage
Les classifications internationales actuelles comme le DSM 5 (APA, 2013) ont fusionné l’approche catégorielle abus/dépendance au sein d’une entité commune, les « troubles de l’usage de substances », avec une approche dimensionnelle : trouble léger, modéré ou sévère. Ces troubles sont intégrés avec les troubles induits par les substances (sevrage, intoxication…) dans un chapitre général « Troubles liés aux substances » lui-même intégré dans un chapitre général sur les troubles addictifs (incluant également le jeu pathologique).
CANNABIS
Qu’entend-on par « usage problématique » ?
Contrairement aux situations d’abus ou de dépendance, il n’existe pas de critères consensuels de l’usage « problématique » de cannabis. Des indicateurs ont été documentés dans la littérature, comme l’usage le matin ou l’usage auto-thérapeutique, la culpabilité ou la dépression associées au fait de consommer, les prises de risques liées à l’usage, la conduite sous influence du produit, etc. L’usage problématique pourrait être défini comme un usage susceptible d’induire des dommages sanitaires et sociaux importants pour soi ou pour autrui (usage nocif + usage entrainant des complications dans certaines circonstances) : il recouvrirait donc les consommations à risques, abusives et nocives, entre l’usage simple et la dépendance.
Mais cette définition pose question : les connaissances sur la toxicité et la dangerosité réelle du cannabis restent lacunaires, la limite entre un usage « problématique » et un usage « non problématique » est difficilement identifiable… Pour qui et au regard de quoi qualifie-t-on un usage de « problématique » ? Par ailleurs, pour certains experts, toute consommation étant à risque, il n’existe pas d’usage « non problématique »